Il fallait bien l'admettre, Bin Ebitai faisait partie des scientifiques les plus performants du Bureau de Recherche et de Développement du Seireitei, connu aussi sous le nom de douzième division ; en d'autres termes, cela signifiait qu'il se situait plutôt en bas de la liste des sous-fifres que le capitaine Mayuri Kurotsuchi était prêt à sacrifier au nom de la science. Il était entré dans le laboratoire une soixantaine d'années auparavant, et n'avait depuis cessé de mener nombre d'expériences sur des sujets aussi divers que variés. Bin Ebitai était de ceux qui ne s'estimaient jamais satisfaits des résultats obtenus, même quand ceux-ci s'avéraient probants. Compte tenu de sa longue expérience au sein du Bureau, il avait eu l'honneur d'être nommé à la tête de sa propre équipe de recherche. Bien sûr, il devait toujours s'en remettre à ceux situés au-dessus de lui, c'est-à-dire Akon, la vice-capitaine Kurotsuchi et enfin le capitaine Kurotsuchi ; en-dehors de cette formalité, il était assez libre de ses mouvements, l'esprit de la division étant d'encourager la créativité de chacun.
Depuis un moment déjà, Bin travaillait sur le développement du reiatsu chez les âmes. Bien que la loi interdise formellement de s'en prendre aux habitants du Rukongaï, cela ne l'avait jamais empêché de s'alimenter en cobayes dans les districts qui entouraient le Seireitei - son capitaine n'était par ailleurs pas très regardant, lui-même ne pouvant parfaitement dissimuler les hurlements de douleur en provenance de son laboratoire privé. Évidemment, Bin ne pouvait se satisfaire très longtemps d'âmes sans pouvoir particulier : les produits qu'il leur injectait, certes, développaient leur reiatsu bien au-delà de la normale, mais l'absence de pouvoir qui caractérisait la plupart de ces sujets étaient un véritable problème, car une fois que leur énergie spirituelle se mettait à augmenter, cela ne s'arrêtait plus, jusqu'à les faire périr dans parfois d'abominables souffrances ; certains avaient même vu leur corps exploser. Ayant reconsidéré chacune des données dont il disposait, Bin parvint à la conclusion que son idée fonctionnerait mieux si les âmes testées disposaient d'un "frein spirituel", qui stopperait l'augmentation du reiatsu arrivé à un certain stade.
C'est là qu'il s'intéressa aux shinigami.
La loi, à ce niveau, était très stricte - en un siècle, de nombreuses règles avaient été décrétées pour empêcher certains des scientifiques de la douzième division, et en premier leur capitaine, à commettre des actes abominables - beaucoup étaient ignorants des droits de l'homme avant que ces nouvelles lois ne soient mises en vigueur. Si jamais Bin utilisait des shinigami comme sujets d'expérience, et pire, si jamais cela venait à se savoir... si on ne l'exécutait pas, nul doute qu'il croupirait pour le restant de ses jours au fond d'une cellule ; seulement, il en fallait bien plus pour arrêter un homme en quête de savoir...
Dénicher des cobayes ne fut pas bien difficile, le Seireitei grouillait de gens bien trop faciles à berner. Non, le plus difficile s'avéra de les emmener dans son laboratoire sans éveiller les soupçons sur lui - Bin était à peu près certain qu'aucun de ses collègues ne lui prêterait attention, trop absorbés qu'ils l'étaient dans leurs propres recherches.
Tout était prêt : les corps des shinigami allongés sur des tables en inox, plusieurs sangles passées autour des membres - simple précaution d'usage -, les seringues et les fioles alignées sur son plan de travail, et les tubes, les scalpels, les pinces... tout l'attirail du parfait petit docteur qui s'apprête à violer un interdit.
La première partie de l'opération se passa sans anicroche. Les shinigami qu'il avait ramenés réagissaient bien au traitement, même lui dut le reconnaître.Ses appareils de mesure lui permettaient de suivre l'augmentation progressive de leur reiatsu, et pendant un moment, Bin crut, avec une certaine déception, que tout allait bien se passer.
Bien sûr, il y eut un problème. Un très gros problème, même, corrigea mentalement Bin quand le premier shinigami se mit à hurler. Allons bon. Ils n'allaient quand même pas disparaître comme ça, comme les rats du Rukongaï? Ah ça non, il s'était donné trop de mal pour eux! Bientôt, le reste du groupe commença à convulser sans cesser de pousser des cris bestiaux, sans qu'aucun des calmants censés assommer un éléphant qui circulaient dans leur organisme n'ait d'effet sur eux. Soudain, il y eut une formidable poussée de reiatsu, générée par tous les sujets à la fois, et Bin se retrouva projeté à l'autre bout de la salle. Se redressant péniblement, il vit que les shinigami arrachaient leurs sangles les uns après les autres, les yeux fous et l'écume aux lèvres. N'écoutant que son bon sens, le scientifique se hâta de sortir du laboratoire. Dès que les portes métalliques se furent refermées derrière lui, il composa le code qui les verrouillait, bien s'enfuit en courant.
À travers tout le Seireitei, on sonnait l'alarme.
« ALERTE ! ALERTE ! ORDRE À TOUS LES SHINIGAMI ! DES INDIVIDUS POTENTIELLEMENT DANGEREUX SE SONT ENFUIS DU BUREAU DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT ! »
La suite du message annonçait à tous ceux qui pouvaient l'entendre qu'il s'agissait d'un groupe de cinq shinigami dont l'émanation spirituelle était tout à fait anormale. Les membres de la douzième division s'occupaient actuellement de savoir ce qui avait bien pû causer cette mutation, mais les résultats ne viendraient pas tout de suite. En attendant, le devoir de chacun était de protéger le Seireitei de ces individus, mais de ne pas les tuer tant que cette histoire ne serait pas éclaircie.